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B.BIOLAY ou le grand NON du prêt-à-chanter!
15 août 2012

La dernière heure du dernier jour et soixante-douze trombones avant la grande parade

bbiolay-223-nbweb

 

Rose kennedy, suite et fin!

 

 

La dernière heure du dernier jour est digne d’une épopée. Le héro central est le frère ainé de J.F.K. qui doit accomplir un véritable exploit pour servir le destin de sa nation lors d’une mission expérimental, à bord de son Libérator bourré d’explosifs ; moins d’une heure après son décollage, il explosera avant d’évacuer, son avion, comme prévu. L’exercice était périlleux et au moment où il devait s’éjecter, le pilote et le copilote n’étaient déjà plus aux commandes de la bombe volante. Son père l’avait programmé pour devenir président des Etats-Unis. (Le drame changera le destin de J.F.K qui a dû vivre sa vie et celle de son frère). Le personnage se trouve d’emblée grandi. Au moment de mourir, au lieu de ressentir de la peur, son cœur se tourne vers ses proches. La réalité historique s’efface devant le merveilleux et on y croit. L’enthousiasme l’emporte sur la raison. L’atmosphère est chargée de mystère et nous éloigne de l’horreur réel. Le calme apparent « cervidés lézardent » est toutefois rendu inquiétant par l’expression : « le soleil se farde ». La fin tragique est grandie par l’image de l’horizon « qui glisse dans les hélices ». Le second couplet nous plonge un peu plus dans le merveilleux car le monologue se poursuit dans la mort ; la religion est partout : l’obscurité puis la lumière et le retour à la poussière. Toutefois, si l’on met de côté la foi religieuse, on pourrait détacher la brutalité de l’accident et le caractère violent de la mort : cette mort qui lui arrache ses souvenirs « je n’ai même pas vu ma vie », cette mort qui entraîne une douleur physique « j’ai senti les récifs ». « J’ai vu la lumière » se justifierait par le feu de l’explosion ; « je retourne à la poussière », en dehors de sa portée religieuse, pourrait renvoyer à la destruction brutale par les flammes sans possibilité de retrouver le corps devenu des cendres parmi la poussière ; « le glas » serait ce que le héro percevrait en dernier ; « Là-bas à Boston » supposerait qu’il resterait seul loin des siens. Ces visions, sans justification religieuse, s’échapperaient d’une mise en scène sanglante et cruelle. Mais revenons à l’aspect mystique et épique. Comme le héro de l’épopée, il fait ce que le cœur et non la raison lui dicte et il nous plonge dans l’atmosphère pieuse de l’oraison que lui-même prononcerait pour sa propre mort. Il demeure grandi jusque dans le refrain. Le courage est d’abord appelé : « Haut les cœurs » puis c’est au tour de la force puisée dans la religion : « Oh Jésus que ma joie demeure » (serait-ce un hommage à la cantate religieuse de Bach ? J’ai remarqué que beaucoup de vers reprennent des titres de film ou de chanson: un été en pente douce, que ma joie demeure, la mélodie du bonheur, demande à la poussière, péril en la demeure, ma saison préférée, la ballade du mois de…). Puis le défunt convoque le fils de Dieu, Le Père et par analogie son père puis l’Esprit-Saint. La trilogie sacrée est rappelée en invoquant Marie à la Trinité (un pater et trois Ave) ; l’Angélus ou les trois Ave est la promesse d’une grâce et celle du baptême sous la protection de la Mère de l’église. Il s’est préparé à cette seconde vie et la peur n’aura aucune prise sur lui au moment de mourir : «C’est ma dernière chance/De tirer ma révérence/Et sans même baisser les yeux/Dans mon Liberator en feu ». Les mots vont puiser leur richesse de leur polysémie même: « chance »  peut retrouver sa définition originelle : celle de l’ancien français, chéance qui signifie « façon de tomber » ; « chance » peut aussi désigner la fortune et ainsi supposer le dernier coup du destin, la dernière volonté de Dieu. « Révérence » nous renvoie dans ce contexte aussi bien à la notion de vénération qu’au geste d’inflexion ; mais face à sa bravoure, sa foi et son humilité, on serait tenté de lui accorder le titre d’honneur de révérence de certains religieux. Enfin, la litote « la dernière heure du dernier jour » nous renvoie à l’instant crucial entre 17H52, heure de décollage et 18H20, heure de l’explosion. L’euphémisme atténue le caractère périlleux du projet et épargne notre sensibilité. Le texte s’achève sur la grandeur morale du héro ; « à la bonne heure » : malgré tout le danger que le projet suppose, il le considère comme utile et conforme au devoir à accomplir ; puis « à nos amours/Faites qu’ils durent qu’ils durent toujours » : son dernier souhait se tourne vers les autres et son désir altruiste d’accomplir le bien (la pronominalisation au masculin pluriel d’« amours» sert peut-être à lui enlever tout aspect charnel et passionnel du féminin-pluriel ?). La répétition de « durer » amplifie son vœu et renforce sa bienveillance. Finalement, on adhère juste sans se poser de question, on s’incline devant la noblesse du héros un peu comme si l’on était le spectateur d’une pièce et l’auditeur d’un troublant monologue. Ce sera encore le cas dans 72 heures avant la parade où le personnage n’est autre que J.F.K. et l’on va de ce pas voir comment B.Biolay a su décrire une personnalité complètement différente devant une situation identique. Il a su par la structure du texte, par le choix des mots nous amener à percevoir une nouvelle identité. Son écriture est travaillée dans les moindres détails.

 

 Contrairement à La dernière heure…, ce texte est d’une extrême concision et le refrain ne reprend que le titre. Le personnage exposé, quand à lui, se farde de certains traits du héro du drame romantique. En effet, il devrait posséder toutes les caractéristiques d’un surhomme dû à ses fonctions de Président conférant d’office des aptitudes complètes : pensée et action, mais l’absence de verbes conjugués dans le texte prouve qu’il n’est à l’origine d’aucune action ; les infinitifs « tendre », « se douter de rien », « laisser les autres faire » font de lui un personnage passif. C’est à la fois un héros et un antihéros ; c’est un homme puissant doté de faiblesses. Il est président mais aussi très proche du peuple : « tendre les mains », par contre, il manque de philanthropie à l’égard de ses proches et l’attention portée à son épouse se résume à « sois belle et souris » ; le dernier regard pour son « faire-valoir »- si regard il a porté sur elle -s’est arrêté sur l’image que le monde entier, quant à lui, a bien vu : le tailleur Chanel rose (éclaboussé de sang qu’elle gardera devant les caméras). Enfin, la religion ne semble pas avoir de prises sur lui ; (d’après le patriarche de la famille, la religion est affaires de femmes ; les hommes ont le devoir de s’en écarter pour arriver à leurs fins). Aussi, on ne parle plus de destin, de « bonne heure » choisie par Dieu mais de hasard loin de toute expérience spirituelle subjective. L’itinéraire a été modifié soixante-douze heures avant la parade ; le refrain semble sous-entendre que le coup de dé fut jeté à ce moment-là: « un virage à droite et l’histoire dérape ». La mort déjà pressentie dans « à tombeau ouvert » est abordée différemment et se résume juste à « et j’ai quitté la terre ». Le texte s’arrête là ; le vide semble l’avoir emporté. Le personnage n’évoque pas les coups de feu comme s’il n’avait pas su pourquoi il avait succombé ; la concision du texte semble saisir la rapidité des faits.

 

 

 

Ce que l’on pourrait retenir de l’album, ce serait une écriture sans fioriture, une structure équilibrée dans un ensemble apparemment épuré mais d’une grande richesse en profondeur. En véritable chef d’orchestre, B.Biolay a su coordonner la métrique, les rimes, la syntaxe et le lexique ; il a su jouer avec l’homophonie et la polysémie. Il a su enfin nous sensibiliser à différents registres. On va-et-vient entre la monotonie léthargique et la contemplation mystique, entre le lyrisme et l’épopée…Musique, couplets, refrains glissent de façon monocorde. On s’est retrouvé  le temps d’un instant dans une ambiance des années trente, dans celle d’une Amérique puritaine qui changera nettement de coloration dans Négatif. Déjà, Los Angeles semblait nous mettre en garde : « Prends un vallium/De la coke et trois lithium/C’est la routine… ».

 

 

A bientôt…

 

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  • Sur les traces de la poésie transcendante de B.Biolay à travers l'écho de son orchestration de la métrique, des rimes, de la syntaxe et du lexique. Carnet de bord fantaisiste sur la richesse de ses textes et de leurs trésors enfouis.
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