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B.BIOLAY ou le grand NON du prêt-à-chanter!
2 août 2012

La monotonie et l'observatoire:

 

 

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La Monotonie a deux particularités par rapport à Novembre toute l'année et L'observatoire ; la première repose sur sa musique qui est en rupture avec le thème. Nous avons ici une musique plus rythmique et vive. Je n’en dirai pas plus car je suis « béotienne » pour reprendre un terme de Les Insulaires. Je ne chercherai donc pas à dissimuler mon ignorance en matière musicale derrière des termes pompeux mais nullement maîtrisés ; vous comprendrez pourquoi je ne m’attache qu’à l’auteur et très peu au compositeur de renom ! L’autre particularité par rapport à Novembre tout l’année, et l’Observatoire, est l’absence de refrain ; on note par contre la répétition de deux vers qui résume l’ensemble et définit le titre : «c’est la monotonie/c’est juste un va-et-vient ». En même temps, vous pourriez me dire que l’absence de refrain se remarque à peine car dans les autres textes (excepté peut-être dans Les joggers sur la plage), couplets et refrains sont confondus dans le même rythme et nul « roulement de tambours » ne vient les annoncer. C’est une des caractéristiques de l’album que de raffermir le désir d’équilibre à l’intérieur d’un ensemble monocorde. (L’album est lisse, en surface, n’est-ce pas ce que recommandent les us et coutumes de la Présidence !)

 

L’architecture du texte se divise en sept quatrains de six syllabes. Six couplets alternent deux mêmes rimes selon le schéma abab.

Le quatrième couplet se distingue des autres par ses rimes différentes et les deux figures de style diamétralement opposées:

« Le tonnerre à tonné » et « le soleil inonde » ; la tautologie et l’oxymore            (inonder signifie recouvrir d’eau (puis par extension, envahir)) servent momentanément d’électrochoc et les deux vers viennent dynamiser l’électrocardiogramme plat de l’ensemble. Mais le dernier vers  signe l’arrêt cardiaque et le couplet suivant renchaine sur « c’est la saison des pluies » et les rimes similaires. Sons et sens se complètent et au « va-et-vient » des rimes répond le va-et-vient de l’ennui.

 On relève un champ lexical de l’eau (imperméable, indigo délavé, pluies, gouttière).  L’eau est un élément qu’affectionne tout particulièrement B.Biolay et dernièrement on a entendu : « pourquoi tu pleures » et « l’eau claire des fontaines est faite de larmes…). L’eau par la dualité du symbole trouve son rôle dans la dualité de la poésie. L’eau est l’élément qui génère à la fois la vie et la mort. Dans la tradition chrétienne, Dieu est assimilé à une pluie de printemps, à une source ou à une eau claire. Elle est sagesse et spiritualité mais aussi châtiment car elle est l’eau du déluge qui punit les hommes. On détache aussi un autre registre de prédilection, celui qui se rapporte au temps : un va-et-vient, saison, décompte, le temps, du lundi au lundi, un dimanche sans fin. Ces thèmes, je les ai déjà développés dans « Quelque part entre R.K. et La Superbe » et c’est la raison pour laquelle, je ne m’étendrai pas davantage.

 Enfin, on remarquera l’usage répété (9 fois) du présentatif « c’est ». Dans ce premier album, B.Biolay use régulièrement de tournures présentatives « c’est » ou « il y a » et ceci révèle une écriture qui n’est pas encore encrée dans le personnel et l’intime. Le « je » que je qualifierai de « première personne singulière » est en retrait et se dissimule ainsi derrière une conscience anonyme, une saison, l’Amérique et Rose Kennedy. On est encore loin d’une écriture profonde et secrète, significative de A l’origine, de Trash Yéyé ou de La Superbe.

Pour l’instant, revenons à nos présentatifs. Ces derniers introduisent un point de vue : un énonciateur, grandement masqué, perçoit, pense et présente une entité.

« C’est la monotonie » amorce le premier couplet ; « c’est » est « pseudo-anaphorique » en ce sens qu’il présuppose quelque chose qui est à l’origine de l’évaluation et qui sera dit explicitement dans le couplet suivant : «  La vie (…) C’est la monotonie ». Il est « pseudo-déictique » car il désigne un énonciateur (anonyme) et un destinataire (« toi » sous-entendu toutes oreilles attentives) et enfin « cataphorique »  en renvoyant à tout ce qui suit : « Dieu ne connaît plus les siens/L’indigo vire au gris…La gouttière fuit … », sortes de garantie du constat.

Dans La Monotonie et L’observatoire, le sujet de conscience n’est pas authentifié mais il souffre d’empathie et une complicité se forme avec le « tu » et le  « nous ». Il est celui qui a vu et a su en premier. N’est-ce pas une des fonctions du poète que celle de révéler les profondeurs des émotions et les réalités obscures de l’univers ? D’ailleurs, l’observatoire (sans doute inspiré de l’observatoire naval des Etats-Unis) peut symboliser la demeure du poète, être énigmatique qui pressent la mort dans le temps qui passe, qui évolue « là-haut » entre ciel et terre. Cette conscience du temps « qui nous précède » est sans doute à l’origine de l’humeur mélancolique du poète. De l’observatoire, de la connaissance, il révèle un ailleurs possible « sur l’autre rive…pas un radeau qui ne dérive » mais le sombre constat initial l’emporte. Une résignation s’installe et dans La Superbe, on notera même un contentement passif : « on reste Dieu merci à la merci ».

Pour finir avec ce texte, je noterai de nouveau ici une composition équilibrée basée sur deux fois deux couplets intercalés d’un refrain. Ils ont tous quatre vers ; les couplets reprennent une seule rime et le refrain, deux. Il règne toujours un accord entre la sobriété métrique et la limpidité phonique qui servent bien la passivité de la conscience.

 

La prochaine fois, j'aborderai les chansons qui offrent une vue sur le bonheur : La mélodie du bonheur, Les joggers sur la plage, Un été sur la côte, les cerfs-volants et La Palmeraie.

A bientôt...

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  • Sur les traces de la poésie transcendante de B.Biolay à travers l'écho de son orchestration de la métrique, des rimes, de la syntaxe et du lexique. Carnet de bord fantaisiste sur la richesse de ses textes et de leurs trésors enfouis.
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